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Dimanche, il fait un très beau soleil et après un déjeuner sur mon balcon parisien, je file vers la Seine, vers « ma zone », en face du ministère des finances. Comprenez par là que c’est celle qui me permet de ne pas prendre de métro. Pas la meilleure des zones je l’accorde, avec un seul tournant et un seul décroché et encore pas dans le bon sens du courant. Même les piliers des ponts ne sont pas pêchables grâce aux péniches amarrées partout.

Je m’installe « confortablement » sur les pavés sous un soleil tout à fait inadapté à la saison, je monte mon ensemble pêche au toc, étant ma canne sensée être la plus sensible. Comme le carnassier est toujours fermé, je monte un hameçon n°8 « spécial truite » monté sur un fluo de 20%. Pas terrible sachant que mon corps de ligne est en 12% mais bon c’est ce que j’ai de plus fin.

Quand ce sont les premières fois, il faut se creuser la tête. J’ai du maïs et du pain. J’ai le droit à 2 hameçons. J’ai un joli plomb de 20g avec une petite boucle au dessus. Je vous passe les 2 ou 3 premiers essais désastreux pour finalement arriver à un montage dont j’étais plutôt fier. Un bouchon sur le corps de ligne puis le plomb poire sur le corps de ligne et donc coulissant, une petite perle pour le coincer au niveau de la jonction de deux fluocarbones. Du maïs sur un hameçon et du pain sur l’autre.

montage du jour
montage du jour

Je dépose la ligne à l’eau, je la regarde filer. Tout semble parfait… pendant 5 secondes ! En effet, sous l’effet du courant, le montage se met à l’horizontal et donc je vois mes appâts juste sous la surface. Très efficace lorsqu’on sait que les poissons sont sensés être au fond...

Démontage, remontage sans le bouchon. Dépose. La ligne part toujours à fond dans le courant mais l’angle a l’air correct, je n’ai pas senti le moindre toc, le plomb ne doit pas toucher le fond. Incroyable ce courant. Je décapsule une petite bière, ouvre un petit livre d’Antonio Gramsci « Pourquoi je hais l’indifférence », histoire d’essayer de me cultiver un peu. Je pose la canne sur mes genoux et je garde le fil entre les doigts.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas ouvert un livre « sérieux » et la première chose qui me frappe, c’est bien qu’une chose n’a pas changée : les préfaces sont toujours un méli-mélo compliqué où un auteur fait une pré-introduction plein de mots savants et de références qui ont l’air d’avoir pour seul but de montrer sa science. Cela me rappelle pourquoi je ne lis plus les préfaces, car elles ne présagent en rien de la qualité du livre et sont plus compliquées à comprendre que le livre en lui-même. Ici ca sert tout de même à un béotien comme moi à comprendre la période et les conditions dans lesquelles Gramsci écrivait. On se sent bien mou par rapport à des hommes de cette époque.

Je remonte la ligne. C’est tout emmêlé. Pas de panique, démontage, rémontage avec un seul fluo. Sur l’hameçon je ne sais pas choisir, je met donc une petite boule de pain et un grain de maïs. Dépose d’un coup en ouvrant le pick-up. Le fil file et ne s’arrête pas de filer ! Au bout de quelques secondes je l’arrête et retourne à ma position et à la suite de ma préface.

Quel monde sur les quais. Ce premier soleil de la saison a sorti une population bigarrée et nombreuse de ses tristes murs gris. Tels des insectes nous nous répandons dans les artères de la ville pour tenter de prendre quelques grammes de cette chaleur naturelle qui fait plus que nous réchauffer le corps mais semble réchauffer nos cœurs. Un papa avec un enfant sur les épaules s’arrête et me demande si je mange les poissons que j’attrape. Je lui répond que non, n’osant pas la réponse que je n’ai encore jamais pris de poisson dans la Seine. Il me répond que je n’ai pas la tête de manger mes poissons capturés. Voulait-il dire qu’avec mon petit chapeau j’ai plus l’air d’un street-fisher en no-kill ? Ou je ne suis pas tout vert donc que je ne les mange pas ? Je n’ai pas la présence d’esprit de demander.

Je ramène ma ligne. La ligne revient et… reste coincée \o/

Intéressant, elle est coincée là où je l’ai laissé filée. Conclusion : le plomb avait donc bien filé jusqu’au fond et je n’ai rien senti. Et maintenant j’ai un plomb ou un hameçon coincé et je vais sûrement tout perdre vu la grosseur des fils. Je tire dans un sens et dans un autre pas trop fort. Autant pour ma canne qui ploie que pour le monde autour et qui pourrait recevoir un montage si ça se décoinçait. Mais comme prévu, ce que je ramène c’est un fil. J’ai perdu mon plomb de 20g que je venais juste d’avoir de mon papa. Désolé papa, même si ça te touche pas car tu utilises pas ce petit matériel que tu avais acquis.

Je replie et je rentre. Mais j’ai un goût amer dans la bouche. Un goût de métaux lourd et de dérivé de plastique au fond de l’eau. J’imagine un plomb coincé et un hameçon qui flotte avec son petit grain de maïs et son petit poisson qui finit par se faire prendre. Sans compter que le fil va se retrouver dans la mer une fois que le métal se sera corrodé.

De retour à la maison, quelques recherches s’imposent. Si le plomb est utilisé, c’est qu’il a une densité ou masse volumique de 11,35(g/cm3). Couplé à sa facilité de façonnage, on comprend qu’il soit apprécié. Mais tirer plus loin ne font pas le meilleur pêcheur. Les granites ou silex font quand à eux autour de 2,6(g/cm3). Ok. revenir sur l'idée. L'autre question est de toute façon que vue la taille du marché du fil, pourquoi ne pas avoir inventé du fil bio-dégradable ?